Il y a un an, nous avons publié Les Lois de la Traction, une série d’articles en trois parties pour documenter une année 2019 aux allures de montagnes russes. Par le passé, les aléas de l’hypercroissance nous ont souvent fait confondre vitesse et précipitation. Première boîte oblige, nous sommes passés par de nombreuses erreurs de débutant, et ce à tous les niveaux. Mais dans tous ces moments parfois difficiles à gérer, notre grande force a été d’apprendre à rebondir et de savoir s’entourer.
Que ce soit par la résilience de l’équipe, l’expérience du board ou la sagesse d’entrepreneurs plus chevronnés, j’ai à chaque fois trouvé des réponses auprès des personnes formidables sur qui j’ai pu compter. Si bien qu’en 2019 nous avons résolu chacun de nos problèmes structurels un par un. Et pourtant, rien ne pouvait nous préparer à la crise conjoncturelle sans précédent qu’allait nous réserver cette année. Car si 2019 était digne d’un grand huit, 2020 avait tout d’un simulateur d’une réalité virtuelle et dystopique.
Cet article s’inscrit dans la lignée de la série des Lois de la Traction, avec la même volonté de transparence dans nos retours d’expérience. Je vous invite à découvrir l’année 2020 de Comet telle que nous l’avons vécue de l’intérieur.
Janvier-Mars 2020 : Le calme avant la tempête
Chez Comet, les années se suivent et ne se ressemblent pas. Si janvier 2019 nous avait donné l’impression de repartir d’une feuille blanche, en 2020 nous avions le sentiment d’avoir toutes les conditions réunies pour démarrer fort.
La santé de notre activité commerciale était représentative de l’immense effort collectif mené au cours des mois passés. Entre l’explosion du revenu (+20 % par mois entre septembre 2019 et février 2020) et l’arrivée de dix nouvelles recrues dont notre nouvelle Head of Sales, nous avions toutes les raisons d’être optimistes. À ses côtés, nous venions de trouver notre Head of Community : dernier élément essentiel d’une Executive Team en passe d’être au complet.
Celui-ci n’arrivera hélas jamais.
De même, les dernières personnes à avoir embarqué seront les premières à devoir quitter le navire. Mi-mars, le confinement nous contraint à nous séparer de certains employés. Et alors que le moral de l’équipe et de nos investisseurs était plus haut que jamais, nous nous retrouvions de nouveau en situation de crise majeure. Le calme aura été de courte durée.
Mars-Mai 2020 : Dans l’œil du cyclone
Si un CEO doit pouvoir s’adapter en permanence à un environnement changeant, rien ne le prépare à un événement comme le Covid-19. Pour une entreprise, cela se traduit par une totale remise en question de ses prévisions financières et de son modèle économique. À l’échelle de l’individu, la peur pour sa santé et celle de ses proches s’additionne à un degré d’incertitude sans précédent autour d’un quotidien bouleversé aussi bien sur le volet personnel que professionnel.
Selon Pete Flint, General Partner chez le célèbre fonds NfX, un CEO a trois missions distinctes lors d’une période de ralentissement généralisé de l’économie :
→ Limiter les pertes : Il s’agit des décisions les plus difficiles à prendre pour un CEO, les fameuses Hard Things About Hard Things auxquelles fait référence le livre de Ben Horowitz. Les ruptures de période d’essais, le recours au chômage partiel et le gel des recrutements en font partie. L’objectif est de réduire les coûts au maximum pour opérer en tant que Minimum Viable Company.
→ Assurer la sûreté psychologique de son équipe : Si les conséquences sont terribles pour ceux qui partent, l’impact sur ceux qui restent ne doit surtout pas être négligé pour un CEO. Et quand bien même le télétravail a toujours fait partie intégrante de la culture de Comet, l’isolement imposé par le confinement n’avait rien à voir avec les conditions de travail flexible auxquelles nous étions habitués.
→ Préparer le terrain : Au-delà de l’adaptation de l’équipe et des objectifs au moment présent, c’est en anticipant l’après-crise qu’un CEO va réellement assurer la survie de son entreprise. Notre levée de 7 millions d’euros en tour intermédiaire et en pleine pandémie auprès de nos investisseurs historiques et de nouveaux business angels sera une première victoire. C’est également dans ce contexte que nous avons choisi de réorienter nos efforts sur la R&D.
L’un des moments qui m’aura le plus marqué en tant que CEO est la résilience collective au sein de l’écosystème qui m’entourait. J’ai ainsi eu la chance de pouvoir bénéficier des retours d’expérience d’entrepreneurs de premier plan qui avaient monté plusieurs boîtes dans leur vie et pour lesquels le Covid-19 était la deuxième — voire troisième — crise majeure en tant que CEO.
Pouvoir me confier à d’autres entrepreneurs et nous entraider sera pour moi une véritable planche de salut. J’ai ainsi appris à me familiariser avec la notion de Wartime CEO auprès de mes amis Paul Guillemin, co-fondateur et CEO de FretLink, et Pierre Mugnier, co-fondateur et CEO de Side. Leur soutien était d’autant plus précieux dans un contexte où le mot d’ordre était de s’attendre au pire pour mieux relativiser chaque mauvaise nouvelle.
Mai-Juin 2020 : Après l’orage
Pandémie mondiale oblige, c’est toute l’économie qui se grippe. Dans un contexte aussi peu favorable à la prise de risque, la plupart des grands projets IT à venir de nos clients ont été reportés jusqu’à nouvel ordre. Et si la majorité des missions en cours avec les freelances de notre communauté ont été maintenues, notre soulagement sera de courte durée. Car sur le volet humain, le confinement fera office de bombe à retardement.
En l’espace de six mois, Comet aura perdu la moitié de son équipage. En plus des périodes d’essai rompues, le confinement viendra ajouter une vague de départs. Parmi ceux-ci, de nouveaux venus prometteurs se mêleront à certains employés de la première heure.
J’ai identifié trois facteurs qui contribueront à cette vague de départs :
- Le télétravail passé de volontaire à imposé aura marqué une transition compliquée. Car si la flexibilité géographique faisait partie de notre ADN dès nos débuts, notre culture a toujours été basée sur la proximité. Pour certains, cet éloignement se traduira par un désengagement que nous n’avons pas toujours pu identifier à temps.
- Le recours généralisé au chômage partiel (hors équipe Tech) crée une distance entre les salariés qui continuent à travailler et ceux qui sont temporairement à l’arrêt. Si cette mesure du gouvernement aura permis la survie de nombreuses entreprises, son effet peut également avoir pour conséquence indirecte le désalignement des employés qui se retrouvent confinés et sans activité.
- De nombreux projets personnels ont vu le jour pendant le confinement. Créations de boîtes, déménagements lointains, paternité à plein temps ou encore appel du freelancing : pour plusieurs employés Comet, 2020 sera également l’année des nouveaux départs.
Juin-Août 2020 : Le vent se lève
Pour un CEO, faire face à une telle vague de départs est un choc. En plus de susciter son lot de remises en question, le départ de certains employés de la première heure quitter l’équipe ajoute de la tristesse à l’équation. Reste que voir des personnes pour qui j’ai autant d’estime se lancer dans leur aventure entrepreneuriale vient rééquilibrer la balance.
La bonne nouvelle sera de voir l’équipe retrouver l’optimisme et Comet rebondir dès la fin du confinement ! Malgré un effectif réduit, nous renouons avec l’agilité des débuts en apprenant des erreurs passées.
Juin 2020 marquera même un nouveau record sur le volet commercial, avec un revenu trois fois supérieur à la même période en 2019 ! Ce fut une incroyable victoire pour toute l'équipe de voir la croissance repartir en flèche seulement 4 mois après le début de cette crise.
Septembre-Fin 2020 : Vers de nouveaux horizons
Septembre marque un nouveau cap pour Comet. Après un été dans la lignée des performances records de juin, nous dépassons de 15 % les prévisions de notre business plan pour 2020 — et ce, malgré le Covid-19. Le pic d’activité de la rentrée confirme la tendance des mois précédents et nous rapproche d’un seuil symbolique : des revenus trois fois supérieurs à 2019 pour un burn rate divisé par quatre !
Et alors que nous nous apprêtons à dire au revoir à 2020, nous avons une première certitude pour l’an prochain : Comet ira très loin et ce n'est que le début ! En effet, avec le tour intermédiaire levé en mars, nous avons plusieurs années devant nous pour construire et faire rayonner notre vision du futur. Si bien que notre premier objectif est fixé pour 2021 : tripler les revenus de 2020. Marché, équipe, produit, motivation : tout est réuni pour réussir !
Cette crise a en effet poussé les entreprises à accélérer leur transformation digitale de façon exponentielle et nous sommes là pour les accompagner ! Gageons qu’on se souviendra également de 2020 comme l’année où le télétravail, pratiqué et évangélisé par Comet depuis quatre ans, est devenu non seulement une réalité mais aussi une nécessité. Le Covid-19 nous donne une économie à reconstruire et un rapport au travail à repenser.
En début d’année, Marc Andreessen publiait son essai résolument provocateur, It’s Time To Build. Chez Comet, nous sommes plus que jamais convaincus que cette reconstruction passera par le freelancing. Si nous avons toujours poussé ses vertus — mais aussi celles du télétravail — dans notre vision, le contexte actuel nous a donné raison en accélérant l'arrivée de ces deux lames de fond. Et aujourd’hui, nous nous sentons mieux armés que jamais pour faciliter, accélérer et sécuriser cette nouvelle façon de collaborer. Il en va de la question fondamentale du bien-être et de la sûreté psychologique au travail, de la santé de notre économie, mais aussi de l’avenir auquel nous aspirons en tant que société.
“Our nation and our civilization were built on production, on building. Our forefathers and foremothers built roads and trains, farms and factories, then the computer, the microchip, the smartphone, and uncounted thousands of other things that we now take for granted, that are all around us, that define our lives and provide for our well-being. There is only one way to honor their legacy and to create the future we want for our own children and grandchildren, and that’s to build.” — Marc Andreessen