Des indices probants sur l'avenir du freelancing en France: tendances, enjeux et opportunités en période post-covid.

Le paysage américain post-Covid pourrait-il fournir des indices sur ce qui nous attend dans l'hexagone ? Satya Nadella, PDG de Microsoft, a remarqué qu'en avril 2020, "nous avons assisté à une transformation numérique de deux ans en deux mois". La pandémie de Covid-19 nous a contraints à travailler à distance, remettant plus que jamais en question les idées traditionnelles sur les méthodes de collaboration, ouvrant encore plus  la porte au freelancing. Regarder de l'autre côté de l'Atlantique, aux États-Unis, où ils ont un taux de vaccination environ quatre fois supérieur et une avance d'environ quatre mois par rapport à ici, nous dépeint les enjeux et les opportunités de l’avenir qui nous attendent en France. 

États-Unis: un changement radical

Malgré l'impact mondial du virus, les contextes locaux sont incomparables. Le nombre d'américains au chômage a augmenté de plus de 14 millions, entre février et mai 2020. En conséquence, le chômage aux États-Unis est passé de son niveau le plus bas jamais enregistré après la Seconde Guerre mondiale de 3.8% en février 2020 à 14,4% en avril et se situe maintenant à environ 6,2%. 

France : lenteur et stabilité

En France, on observe une stabilité déconcertante, le taux de chômage actuel d'environ 8% étant en fait inférieur aux 8,1% d'avant le virus ! Alors que de nombreuses catégories professionnelles françaises ont été durement touchées, notamment dans le secteur de la restauration, les régimes de rémunération et de compensation du temps partiel financés par le gouvernement ont évité à de nombreuses entreprises de licencier du personnel. 

Un mouvement plus lent dans la même direction

Le chômage n’est que la partie visible de l’iceberg en ce qui concerne les différences entre la France et les États-Unis, essayez simplement de demander à un Américain s'il connaît des équivalences de CDI: il n'en connaît sans doute aucune. Malgré ces différences, l'essor du freelancing, dans les deux pays, est absolument indéniable. Environ un tiers de la population américaine travaille désormais en tant que freelance dont la contribution a représenté à peu près 1 200 milliards de dollars à l'économie américaine en 2020, soit une augmentation de 22% depuis 2019. En France, nous suivons gentiment cette tendance, avec une augmentation constante de 3,3 millions de freelance, soit 11% de notre population active.

Doucement mais sûrement

90% des freelances français le sont par choix et non pas par nécessité, ce nombre monte même à 96% pour les métiers de la technologie.

58% des travailleurs français n’envisage pas de devenir indépendants, ce nombre est directement corrélé à la taille de l’entreprise des personnes interrogées. Plus l’entreprise est grande, moins ses employés veulent en quitter les avantages et la sécurité. Le modèle social français limite donc le passage vers le freelancing bien que celui-ci augmente régulièrement. 

Les pionniers du freelancing

Parallèlement à la forte hausse du chômage, un afflux de jeunes professionnels hautement qualifiés sont à la recherche d'alternatives flexibles. Ceci a alimenté cette augmentation de 22% du freelancing aux Etats-Unis. Bien que l'emploi soit plus stable en France, les désirs de notre génération Y  sont universels (ainsi que d'autres groupes d'âge dans des proportions moindres) : ils recherchent l’indépendance, l'épanouissement et la flexibilité. Ce statut traditionnellement instable a en fait aidé les freelances à rester inébranlables face au changement : 67 % des freelances à temps plein affirment que le freelancing les a mieux préparés à faire face à l'incertitude de la pandémie de coronavirus que les personnes occupant un emploi traditionnel. Ce qui indique que le freelancing n'est pas seulement en train de s'imposer comme une option plus désirable mais aussi mieux adaptée au paysage mondial actuel.

"Avec près de 40 millions d'Américains au chômage à la fin du mois de mai, l'un des marchés qui a semblé pouvoir résister à la tempête du COVID-19 est celui des freelances américains. De nombreux professionnels talentueux qui ont été mis au chômage ou licenciés par leurs employeurs ont vu l'opportunité de se tourner vers le freelancing, fournissant au secteur une injection de personnes qualifiées ouvertes au travail en équipe. De même, de nombreuses entreprises qui ont été contraintes de réduire leurs coûts en diminuant leurs effectifs étaient prêtes à combler le vide en faisant appel à des travailleurs indépendants temporaires. D'un mois à l'autre, le chiffre d'affaires de la gig economy américaine a augmenté de 11 % entre avril et mai, et de 18 % supplémentaires en juin", indique un rapport de Payoneer.

Le freelancing en France

Le freelancing a le vent en poupe en France depuis la crise financière mondiale, le nombre de travailleurs indépendants ayant augmenté de 145 % entre 2008 et 2018, selon Eurostat. Et cela porte ses fruits ! Une étude réalisée sur le freelancing en France en 2019 a montré que, une personne sur deux gagne plus en étant freelance qu'en étant salarié, un chiffre qui passe à 79% dans les métiers de la tech et de la data. 

Une nouvelle mixité

Du point de vue des entreprises, il est devenu évident que la place du travailleur freelance dans l'environnement de l'entreprise est de plus en plus importante. Et si, du moins en Europe, une main-d'œuvre purement freelance n'est pas à l'ordre du jour dans un avenir proche, un mélange de freelances et de travailleurs contactés façonnera les équipes dans les années à venir.  Le travail à distance forcé par la crise du Covid-19 a prouvé que celui-ci pouvait s’avérer tout aussi productif que le travail sur site, voire même plus dans certains cas. De nouvelles technologies et plateformes de communication et de collaboration ont été testées. De Slack à Zoom, les équipes ont pu identifier et intégrer les outils les plus appropriés pour travailler au-delà des barrières physiques et temporelles. Rares sont ceux qui reviendront à la situation antérieure. Ouvrant ainsi la voie au freelancing qui, dans de nombreux cas, comporte un aspect à distance. Intégrer et optimiser  au mieux, non seulement les équipes distantes et non distantes, mais aussi un mélange de freelances et de travailleurs salariés sont désormais des sujets importants de la réussite de l'organisation du travail. Les indépendants sont en mesure d'offrir des compétences diverses et des interventions rapides, ainsi que des perspectives nouvelles, ce qui permet d'apporter des solutions innovantes et une énergie nouvelle aux projets de l'entreprise.  La structure interne et les équipes existantes sont capables de fournir un cadre solide pour accueillir l'innovation. L'optimisation de cette combinaison est magique. 

Besoins numériques

En 2019, on estimait la part de marché mondial en 2024 du e-commerce à 24%. En Juillet 2020, ce dernier atteignait déjà 33% de part de marché des ventes au détail, bien aidé par le premier semestre 2020 dont la croissance équivaut à celle des dix dernières années.  Le Covid-19 a tout poussé en ligne, numérisant tout, de la façon dont nous nous parlons à la façon dont nous faisons nos achats et pas seulement pour l'épicerie ou les vêtements, mais pour des articles plus importants comme les voitures et même les maisons. 

Tout, du service client en ligne au travail à distance en passant par la réinvention de la chaîne d'approvisionnement, l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) et de l'apprentissage automatique pour améliorer les opérations, a été poussé à un rythme extrême en fonction d'un nouvel ensemble de besoins. L'une des principales contraintes de l'ouverture à ce monde numérique est le recrutement de talents. Les entreprises sont plus que jamais prêtes à trouver des moyens nouveaux et plus agiles pour recruter leurs équipes. Les freelances spécialisés dans la technologie et la data ont été placés en tête de liste, surtout s'ils sont capables de comprendre le paysage industriel. 

Conclusion

Grâce à la combinaison de la maturité du marché mondial et notamment du e-commerce, de l’avènement du travail à distance et de la nécessité de travailler en mode projet, l’ère du freelancing est arrivée.

L’Europe et particulièrement la France en est encore aux débuts par rapport à ses homologues américains. Les acteurs d’aujourd’hui sont donc des pionniers sur le marché et ont l’occasion de renforcer leur présence et leurs compétences avant l’essor à venir.